Poèmes de Sabine Wang, traduits de l’allemand par Denis Peiron, éditions Nord-Sud-Passage, Marseille, 2005.
Panoptique
les masseurs aveugles devant le temple de lungshan
l’albinos les infirmes comme au théâtre
pareils à des pêcheurs ils se traînent le long des marchés de nuit
dans une carriole un enfant et quelques petites doses de baume
les belles sont plus belles encore qu’à la maison
les employés de bureau couleur e-mail international
tandis que dans les rues on nourrit de feu et de tables pliantes
les esprits affamés
let’s learn english piaillent des étudiantes instantanées
des expats et des cerveaux nourris au glutamate
et le prof de français venu de Paris fouille son oreille
pour mieux observer la cire au bout de son petit doigt
le regard vague comme la ville les roller boys filent à toute allure
un casque nazi renversé sur la nuque
dans le parc se disputent et les chaises et les joueurs
si vrais qu’on ose à peine les regarder
des travailleurs munis de cordes dressent les arbres comme des tentes
l’habitant de taipei fixe hébété la racine
qui s’élève au-dessus de l’asphalte telle un plateau renversé
et le garçon de café s’est fait la belle
dans le taxi tout contre le ventilateur
tournent les petits hélicoptères les petites hélices
tourne la voisine
qui avec son chiffon cherche à colmater la fuite au plafond
william ce con m’apporte le mahjong
et le propriétaire du magasin souffle court
me montre des exercices de qigong en plein rayon des nouilles
m’explique le monde d’après le lexique du tao
la carapace de la tortue couverte d’algues
les alligators se regardent dans le verre
les chats de taipei dit dawn
i like to touch their feet they are so soft
les rondes cavalières des tang balaient
dans les couloirs les pantoufles des rêveuses
les rouges sous-vêtements des suicidaires
les médées vengeresses les girls à pokemon
dans le quartier japonais les chauffeurs
devant les vitres teintées des boîtes de nuit
oreillettes et limousines
en chemises hawaïennes les piètres tueurs de serpents équipés de micros
tu ne dois pas laisser traîner tes déchets
tu ne dois pas fumer dans les lieux publics
tu ne dois pas faire frire tes rouleaux de printemps devant le musée des beaux-arts
tu ne dois pas laisser ton chien aboyer
ce sont les chiots qui d’abord s’extirpent de la décharge
puis l’homme aux quatre doigts qui récupère les cartons et s’achète de l’eau de vie
dans ce supermarché où la caissière m’interroge sur le montant de mon loyer
monsieur le maire inaugure de nouvelles toilettes
pour un peu ils nous feraient pitié ces cafards
ces fuyards de pavlov avant qu’on ne les broie
et leurs capteurs étonnamment s’agitent en l’air
en une ultime et minuscule protestation
devant l’écran regard sale et cigarette au coin des lèvres
le joueur vide son chargeur
dans son ivresse le marchand d’ail de sa voix enrouée ose un hello
sur le mont des éléphants un blanc épris de démence disperse de la farine
ma cousine plus elle gravit les échelons plus son cul grossit
répète ma tante m’a traînée sans répit à travers la ville
le continent de ma dioptrie
la solitude de la shabu shabu
la pluie la pluie
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire