vendredi 30 décembre 2011

Marche blanche

Marche blanche, de Denis Peiron

Eric Fiol, encre de Chine sur toile















elle marche
même la nuit elle marche
seule au coeur des villes sans charme

marche blanche
pour oublier le voyage
peut-être le poursuivre

pour suivre ses pensées
et semer son image
dans le flou de la foule

mardi 20 décembre 2011

Le vent

Le vent, de Denis Peiron

lâché dans Paris
le vent me rattrape

et en rafales
les souvenirs

je nage dans le bleu
les yeux fermés

de ciel en mer
de mère au ciel

dimanche 11 décembre 2011

Crockroach shoe

Crockroach shoe, de Sabine Wang,

traduit de l'allemand par Denis Peiron et publié dans le recueil collectif Nord-Sud Passage, n°8, 2005, Passage & Co., Marseille.

cela ressemble à un zigzag de souris
la nuit sur le trottoir près des plaques d'égouts
et puis réveil
quand avec leurs petites pattes pleines d'épines
ils marchent sur le journal

quand la terre a tremblé
arlène était au lit avec naoki et n'a rien remarqué
il a fallu que cet immense cafard
en rut se faufile à travers la moustiquaire
pour qu'elle se mette à hurler

elle l'aurait écrasé nus pieds
à la lueur du frigo dans un craquement
le professeur jiu aurait anéanti le cancrelat
puis tenté de dégager son talon
de cette pseudo viande du fastfood bouddhiste

celui de la salle de bain
a fui le courant d'air
je n'arrivais pas à le retrouver
jusqu'à ce que ses petites pattes remuent
au creux de ma clavicule

ne restaient alors qu'une odeur de brûlé une paire d'ailes
un peuple le plus grand de la ville

mardi 29 novembre 2011

Encore le temps

Encore le temps, de Denis Peiron

Le temps l'emportera © Emmanuelle Brisson






encore
le temps

qui nous retient
et puis qui passe

par là
où ça fait mal

samedi 5 novembre 2011

Toussaint

 Toussaint, de Denis Peiron
Trouble(s) © Emmanuelle Brisson



















je pense aux morts que j’ai croisés
de leur vivant

des morts comme vous et moi
qui savaient se montrer joyeux bavards distraits stressés et éblouis

des morts qui n’imaginaient guère
le devenir

certains longuement ont résisté
d’autres se sont précipités

et ils croyaient bien faire

tous ces morts que nous fêtons
comme grisés par l’automne

samedi 29 octobre 2011

Cicatrice

Cicatrice, de Denis Peiron



les mots à même la plaie

poème cicatrice


la plaie s’est refermée

le poème nous rappelle

dimanche 23 octobre 2011

Il me revient souvent

Il me revient souvent, de Denis Peiron


il me revient souvent

mon père

dans le miroir

me parle

du fond de l’œil

les lèvres closes

dimanche 9 octobre 2011

Tes yeux

Tes yeux, de Denis Peiron


tu as beaucoup aimé ce livre


tu le gardais longuement sous tes yeux

et tes yeux parfois pleuraient

sans que je sache tout à fait s’ils étaient fatigués

ou si les larmes venaient de plus profond


j’étais trop jeune pour le lire

trop jeune pour pleurer


je comprends maintenant pourquoi

tu l’aimais tant


je comprends mieux tes yeux

lundi 3 octobre 2011

Le chant

Le chant, de Denis Peiron


Où s’en va le chant

lorsque la voix s’est tue ?


Il part bercer

un autre cœur

qui s’imagine


le premier.

lundi 26 septembre 2011

Blancheur de l'exil

Blancheur de l'exil (extraits), de Denis Peiron (éd. Caractères, Paris, 2004, préface de Marc-Alain Ouaknin)

c'est l'épreuve du blanc

l'austère candeur de vos murs
leur hauteur définitive
leur teint de cierge

me renvoient
l'image tremblée

d'un passant


(...)


reconquête
par l'intérieur

je perce le blanc
comme le printemps pousse ses fleurs

vendredi 16 septembre 2011

No man's land

No man’s land, de Denis Peiron

les traits de ton visage
sont des frontières
sur la carte étriquée
de leurs peurs

tu te vois
dans leurs yeux
et tu vois

quelqu’un d’autre

samedi 10 septembre 2011

Lecture bilingue de Constellation en fugue (Christian Uetz / trad. Denis Peiron)

Le Goethe-Institut Paris propose, le lundi 19 septembre 2011, à 19 heures, une lecture bilingue de Constellation en fugue / Das Sternbild versingt, par l'auteur Christian Uetz et son éditeur Stéphane Chaumet, dans une traduction de Denis Peiron.

Goethe-Institut - 17 avenue d'Iéna, 75116 Paris
Entrée libre - Réservation recommandée
Tél. +33 1 44439230

Voici deux extraits de ce recueil paru en 2008 chez L'Oreille du Loup, Paris :


Et de toi la douleur étoile avec la grâce des pierres

pour que la fin soit infinie.

Toi, lueur muette de la mort,

tremblante de néant,

qu’est-ce qui pourrait encore nous arrêter ?

Lumière fleuve fulgure à travers le moindre pore

afin que la noyade s’enfloue.

Et un jour fou, alors, le rêve devient plus vrai que la grève,

l’envie plus forte que la vie

l’absence de temps plus profonde que le temps,


et la plaie, plus pure que plénitude.

(…)


Tu ne ressens pas d’amour quand tu ressens l’amour,

mais quand tu sens ce qu’est l’amour,

quand tu apprends comment l’amour se tient

et de la sorte te tiens.

Quand tu n’aimes pas parce que tu aimes,

mais parce que tu sais que c’est de l’amour

quand tu aimes, parce que le mot amour te le dit,

c’est bien de l’amour quand tu aimes,

comme te le dit le mot amour.

Alors, tu ressens un amour

cent fois plus grand que tout l’amour

que tu ressens,


quand son saisir, incommensurable, te saisit.

samedi 20 août 2011

Le sens de l'histoire

Le sens de l’histoire, de Denis Peiron


en ces lieux
d’où est partie la guerre

en cette Europe
qui n’a de cesse de finir

l’histoire est un autre sens
constamment en alerte

qui voit au-delà des lacs et des forêts
qui fait parler les pierres, les voies ferrées,

qui donne au paysage
la profondeur du temps

des histoires d’hommes
et d’honneur

des taches encore
sur une carte

jeudi 7 juillet 2011

je suis dans le père

je suis dans le père, de Denis Peiron

je suis dans le père et le père est dans moi
je suis dans le cercueil et le père dans le cortège
je suis dans le ciel et le ciel dans mes yeux

dimanche 26 juin 2011

destinée

destinée, de Denis Peiron

je ne sais où
je ne sais quand
je ne sais comment ni même pourquoi
je sais seulement ce que c’est
sais seulement que c’est

toi

samedi 11 juin 2011

La ville comme jamais

La ville comme jamais, de Denis Peiron

d’en haut,

la ville qui m’a vu naître
et m’a laissé partir
comme ces bateaux
lancés sur un revers de ciel

d’ici,

un simple geste de la main
me suffirait à les ramener
au port

mardi 31 mai 2011

Le vivant ne comprend pas

Le vivant ne comprend pas (Żywy nie zrozumie), de Tadeusz Dąbrowski, traduit du polonais par Denis Peiron


Le vivant ne comprend pas le mort le mort comprend
le vivant et son incompréhension.

Le vivant croit si peu au ciel que si
on lui proposait de rester éternellement assis dans un fauteuil

avec l’obligation de surveiller un écran dans lequel
il se regarderait lui-même en train de se regarder, il serait

partant. Ou bien il serait d’accord pour que le ciel soit petit mais
certain comme le cercueil. Si

le mort voulait bien raconter au vivant
à quoi cela ressemble vraiment il serait obligé de

se taire.



Ecoutez Tadeusz Dąbrowski et retrouvez plusieurs autres de ses poèmes traduits par Denis Peiron sur Lyrikline

mardi 17 mai 2011

L'étranger

L'étranger, de Denis Peiron

la vague est sa chance
est son ennemie

quand elle le porte hors d’ailleurs
pour le laisser au bord

d’ici

là où la mer ressasse
les rêves

là où la mer

Lisboètes

Lisboètes, de Denis Peiron

Les Lisboètes
chantent le vent
dans les voiles
hissées aux fenêtres,
loin des navires
amarrés
au passé.

mercredi 23 mars 2011

Lioran

Lioran, de Denis Peiron


Il n’arrive pas à nouer ses lacets.
Il n’arrive plus à nouer ses lacets.
Ses mains refusent de répondre.
Ses mains d’enfant ne répondent qu’à la peur.
Aux balles, aussi, qui de part et d’autre ont percé l’air,
percé les corps, d’autres corps, à la sortie du virage.

Marseille, couche-toi !

Marseille s’est couché en plein champ,
s’est relevé.

Je ne sais ce qu’à cet instant il a en tête,
lui qui ne croit plus en Dieu.

Je sais seulement ce que pensent ses mains,
ses mains d’enfant enlacées par la peur.